Wabi-sabi : la beauté dans l’imperfection

18 juin 2014   |     |     |  

Présentation du wabi-sabi : la valorisation du temps qui passe à l’état brut

Le monde occidental est marqué jusque dans son inconscient par les canons de beauté grecs : la perfection, l’harmonie, la régularité, la symétrie. Néanmoins, ces dernières années, une vision alternative importée du Japon nommée wabi-sabi vient remettre ces acquis en question, et nous fait prendre conscience de la difficulté de définir précisément la beauté.

Qu’est-ce que le wabi-sabi ?

Avant toute chose, il ne faut pas confondre le wabi-sabi et le wasabi. Le second est une sorte de moutarde verte qui relève à la perfection les sushis, alors que le premier est une éthique et esthétique japonaise inspirée du bouddhisme et du taoïsme. Deux choses très différentes donc. Du Japonais wabi « simple, rustique, naturel » et sabi « usure du temps », le wabi-sabi désigne une esthétique qui met en valeur la beauté des choses usées par le temps. Elle valorise la beauté imparfaite, éphémère et incomplète. C’est une transcription dans le domaine esthétique des enseignements bouddhistes, dans lesquels le caractère passager de l’existence est central, puisqu’il est l’une des trois caractéristiques essentielles de l’existence, avec la souffrance et l’absence de nature propre.

Le wabi-sabi mis en pratique

Ces principes à l’origine d’ordre religieux et spirituel furent par la suite mis en pratique pour juger des choses belles. En totale contradiction avec l’esthétique grecque, l’usure du temps, les imperfections, l’asymétrie, sont des éléments valorisés, en ce qu’ils symbolisent un aspect fondamental de la vie : la fluidité essentielle du temps qui passe et l’impermanence de toute chose. L’art japonais est profondément imprégné de cette vision de la beauté, qui transparaît par exemple dans l’ikebana, l’art floral japonais, ou encore dans les haïkus, ces très courts poèmes qui nous laissent toujours à nous Occidentaux un goût d’inachevé. En matière de décoration, le wabi-sabi privilégie l’asymétrie, les objets patinés par le temps, les intérieurs bruts, les réparations apparentes. Cette vaisselle est un parfait exemple de wabi-sabi : les verres et les assiettes sont patinés, irréguliers, d’un aspect brut et non travaillé.

Vaisselle wabi-sabi

Vaisselle wabi-sabi, ©kirstievn

Un wabi-sabi à l’occidentale ?

Cette esthétique est en entière contradiction avec l’héritage grec, qui conditionne encore aujourd’hui notre vision du beau et de la perfection. Toutefois, il est des exemples d’artistes qui se sont laissés séduire par cette vision, afin d’explorer d’autres univers. Le designer Leonard Koren a ainsi écrit son ouvrage Wabi-Sabi for Artists, Designers, Poets & Philosophers (non traduit en Français) afin de promouvoir l’utilisation du wabi-sabi dans l’art occidental en général, et dans la décoration intérieure en particulier.

ouvrage sur le wabi-sabi

Couverture de l’ouvrage de Leonard Koren

Par ailleurs, le fondateur de Twitter, Jack Dorsey, est connu pour être un fervent défenseur du wabi-sabi. De manière plus surprenante encore, le concept de wabi-sabi fut repris dans les années 90 par des programmateurs informatiques qui travaillaient sur un projet qui allait prendre une importance croissante au cours des années. Le fruit de ce projet est connu de tous : Wikipedia, et le wabi-sabi intervient comme une justification de la part d’imperfection inhérente au concept même d’encyclopédie collaborative en ligne.

Ainsi, plutôt que d’opposer rigoureusement l’esthétique grecque et japonaise, mieux vaudrait-il apprendre à connaître les deux, afin que la rencontre de ces deux univers nous ouvre de nouveaux horizons.

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